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Question de Perspective 8 – Management : Mobiliser pour gagner

Comment mobiliser une équipe sur le terrain

Pour cette 2nde partie de notre entretien avec Karim Ghezal , nous lui avons partagé nos questions de management de la « victoire ».

Karim Ghezal, de votre point de vue de coach, comment donne-t-on envie de se mobiliser pour gagner ?

Karim Ghezal : « Une saison de rugby, ce sont 11 mois sur 12 environ. Pas moins de 32 matchs et tout un effectif à gérer suivant les résultats, les périodes internationales et les blessures qui généralement représentent 10% à 20% de l’effectif chaque semaine. Il est donc important d’avoir une vision à la fois à long terme et à court terme. 

La différence majeure avec l’entreprise tient dans le fait que les 45 joueurs et les 25 staffs (minimum) travaillent chaque semaine pour un objectif qui est le match du week-end. Chaque semaine tourne autour de cet enjeu. Pourtant, seulement 23 joueurs seront choisis pour ce fameux match. Se pose alors chaque jeudi la question : comment gérer les joueurs déçus de travailler pour ne pas récolter le fruit de leur travail ?  Les résultats des matchs impactent les semaines et les failles ne manquent pas lorsque les joueurs sont mécontents. »

Que pensez-vous du dicton « on ne change pas une équipe qui gagne » ?

Karim Ghezal : « Je pense exactement le contraire ! En club, j’ai décidé de faire tourner mon effectif pour plusieurs raisons. La première, faire une saison de 11 mois avec les mêmes joueurs est quasi impossible. Si les mêmes jouent en permanence, l’équipe est coupée en deux avec les remplaçants. Aussi, ceux qui jouent les matchs moins importants seront difficiles à mobiliser pour faire avancer le projet et un fossé s’installera. La concurrence doit être un moteur pour avancer. 

À Paris, l’équipe avait joué sur la saison les 13 matchs aller avec 37 points cumulés et les 13 matchs retour avec seulement 30 points. Les joueurs avaient fini la saison épuisés pour le match éliminatoire.

L’an dernier, j’ai décidé de changer entre 5 et 12 titulaires sur 15, pour chaque match. Avec 37 points sur les matchs aller et 38 points sur les matchs retour, nous avons fini avec peu de blessés, des joueurs frais en sélection avec 10 matchs par année. D’où l’importance aussi, au global, de bien définir le contexte, les moyens humains, financiers et les différentes règles avant la saison. »

Esprit d’équipe versus management individualisé, quel « camp » choisir ?

Karim Ghezal : « Je crois beaucoup à l’individualisation pour apporter de la liberté dans le cadre, s’adapter au fonctionnement de chacun et lui permettre de se donner à 100%. Ceci pour le rugby. 

Si tout le monde doit fonctionner de la même manière, on ne peut pas avancer vite. C’est l’ancien temps du management. Il faut accepter que chacun, dans un même projet, soit différent. C’est la complémentarité qui crée l’équilibre. 

Le rôle du manager est de trouver le levier qui mobilise chaque personne. Maintenant, appliquer cela à une équipe sportive oui, à une entreprise de 200 personnes, je ne pense pas que tout soit aussi simple. L’individualisation en entreprise, cela nécessite une grande clarté dans la communication de la vision d’entreprise, des enjeux, et des objectifs de match. 

Ma méthode, c’est de définir le cadre qui embarque tout le monde et la liberté laissée à chacun de se donner au maximum, en étant soi-même. Cette liberté ce peut être un horaire, une manière de travailler, un plan d’entraînement particulier. 

Ajoutant à cela le paramètre de la culture d’entreprise. On ne peut tout reproduire partout. Ce qui se joue à Paris, Toulouse, Lyon, ce sont des clubs, des villes différentes, des cultures auxquelles il faut s’adapter, en plus des personnes. C’est évidemment une équation délicate. »*

Qui est Karim Ghezal ?

Formé dans le Gers à L’Isle-Jourdain avant de porter les couleurs de Toulouse, Béziers, Grenoble, Castres, Montauban, du Racing et pour finir de Lyon en 2016 après 20 ans sur les terrains et plus de 300 matchs en professionnel, il décide de passer côté entraîneur au LOU Rugby grâce à la confiance de Pierre Mignoni. Entraîneur des avants du LOU Rugby , il participe au maintien historique en 2017 puis à la demi-finale de 2018 au Parc OL, en 2019 à Bordeaux. 

Fabien Galthie lui donne ensuite l’opportunité d’entraîner l’équipe de France de 2019 à 2023 avec 45 matchs, 4 tournois des 6 Nations, la Coupe du Monde en France en 2023. Il participe à 80% des victoires, Grand Chelem 2022 et a connu la première place mondiale et le record de victoires d’affilée. Après la Coupe du Monde, il rejoint le Stade Français Paris pour un nouveau rôle de manager avec à la clé une première demi-finale directe pour ce club de 140 ans.