Question de Perspective 11 – Crise de l’immobilier, un bilan 2024 qui ralentit la chute.
Crise de l’immobilier: un bilan 2024 qui ralentit la chute.
Avec près de 53 000 ventes de logements neufs au détail et une baisse de 8 % du nombre de ventes de logements neufs pour l’année 2024 : « historiquement, 2024 se situe en-dessous des plus mauvais scores des années 90 » nous confie Pierre-Yves Desgoutte, directeur régional Auvergne Rhône-Alpes d’ADEQUATION.
Mais la chute semble ralentir… Tous les professionnels espèrent que 2024 soit « un plancher »
Cependant l’ensemble du marché immobilier reste sous le poids de l’incertitude en 2025, appelant à une adaptation stratégique de la part des professionnels.
Revenons en 2024 justement. Il y a bientôt 1 an, nous évoquions avec Laurent Escobar dans un précédent 💡[QUESTION DE PERSPECTIVE] le bilan de l’année 2023. Au premier trimestre 2025, nous avons retrouvé Pierre-Yves Desgoutte, directeur de la région Auvergne Rhône-Alpes d’ADEQUATION , pour faire le point sur l’année 2024 écoulée et les perspectives 2025 : entre chiffres, analyses et convictions.
Ce premier 💡[QUESTION DE PERSPECTIVE] de l’année 2025 s’ouvre avec une nouveauté pour ALCAIX : un format Podcast qui nous permet de mieux vous faire partager nos échanges et les analyses de Pierre-Yves Desgoutte.
Nous vous en proposons dans cet article un éclairage complémentaire. Notre objectif lors de cet échange riche de données et d’analyses a été simple ; faire le point sur une période complexe pour les professionnels du monde de l’immobilier.
ALCAIX : Notre première question est incontournable pour mieux comprendre les perspectives à venir : quel est le bilan de l’année 2024 tout juste écoulée ?
Les chiffres du marché national
-8 % en 2024 de logements réservés. Un total de 53 130 logements neufs vendus. 34 % de ventes à investisseurs (soit -2 points). 256 910 logements « commencés », mis en chantier.
Ce sont certains des chiffres marquants de 2024. Si la chute des ventes s’est poursuivie en 2024, on peut dire que cette année connait un « ralentissement de la baisse, comparée aux -37 % de 2023 et -17 % de 2022 », nous fait remarquer Pierre-Yves Desgoutte.
L’investissement locatif des particuliers a continué de perdre de l’importance dans la structure des ventes avec une chute de 13 % sur l’année, ne représentant désormais qu’un tiers environ des réservations des particuliers. Les ventes à propriétaires occupants reculent elles aussi de 6 % : un déclin plus modéré en pourcentage, mais qui traduit une contraction profonde du marché (35 000 ventes en 2024 contre 69 200 en 2019).Parallèlement, le marché se fragilise encore davantage avec une « vitrification » marquée : les mises en vente s’effondrent à moins de 52 000, soit une chute de 29 % sur l’année, le volume de l’alimentation du marché ayant été divisé par deux en seulement 24 mois. Cette incertitude se retrouve également dans les mises en chantier, en baisse de 16 %, qui se limitent désormais à 256 910 logements au national c’est-à-dire à un niveau connu des seules années 50.
Pour Pierre-Yves Desgoutte « Cette diminution des ventes s’explique pour partie par le retrait progressif des investisseurs. Ils représentent environ 1/3 des ventes en 2024, là où nous en comptions près de 50 % il y a encore cinq ans en arrière.
L’effet « positif » de ce tarissement de l’offre nouvelle est la légère diminution du stock de logements à la vente, qui repasse sous les 90 000 unités au 31 décembre 2024. Ce sont nos – 13 %. Baisse à laquelle s’ajoute le retrait encore important d’opérations, revendues en bloc, mises en pause, ou plus simplement abandonnées.
Et cette offre de 90 000 lots environ, ce sont un peu moins de deux années de commercialisation. C’est à la fois peu et un stock largement suffisant pour poser des difficultés aux opérateurs. Le problème majeur est finalement d’avoir un stock qui ne s’écoule plus ou si peu. Ce qui se traduira à très court terme par une augmentation significative des lots livrés non vendus qu’on appelle communément les « stocks durs ».
Les chiffres en région
Sur le plan régional, les données mobilisées par ADEQUATION ion nous montrent que certains marchés autrefois durement touchés par la chute des ventes semblent amorcer un rebond. La région francilienne affiche 15 100 réservations, soit une progression de 17 %, tandis que Nantes Métropole enregistre 800 réservations en hausse de 21 %, et Bordeaux Métropole 1 200 réservations, marquant une augmentation de 31 %. Ces chiffres, toutefois, s’inscrivent dans le contexte des volumes de référence de 2023. À l’inverse, plusieurs marchés majeurs poursuivent leur lourde chute en 2024, comme en témoignent le secteur Franco-Genevois (-31 %), l’Eurométropole de Strasbourg (-32 %) et la Métropole d’Aix-Marseille-Provence (-30 %).
Pierre-Yves Desgoutte nous parle de la région Auvergne Rhône-Alpes « Globalement, la tendance n’est pas bonne. Mais certains territoires s’en sortent un peu mieux quand d’autres plongent. La région Auvergne-Rhône-Alpes a vécu des scénarios très différents selon les secteurs. Des scénarios plutôt positifs du côté de la Communauté d’agglomération de Chambéry et du territoire du Grand Lac avec une offre équilibrée permettant d’adresser plus largement les segments des acquéreurs et surtout avec un niveau de prix cohérent sur un territoire à bonne notoriété. Des scénarios un peu plus difficiles du côté du bassin annécien ou du Pays de Gex essentiellement pour des raisons de prix trop élevés et un manque d’offres abordables.
La Métropole de Lyon a également souffert, bien sûr. Parce que les prix y sont élevés. C’est bien le prix qui génère à un moment ou une autre, la capacité de la demande à être opérationnelle et le crédit mobilisable. Malgré tout, Lyon a bénéficié d’un véritable effort de la part de la Collectivité pour développer l’offre de logements abordables en BRS. Ceci a très clairement permis de sauver le secteur, en compensant la chute du marché libre par une hausse des ventes en TVA réduite. Ce plan de relance, ce sont 7 000 logements mis à disposition du marché à un prix abordable. »
ALCAIX : Quel impact ces ventes ont-elles eu sur les opérateurs ?
Pierre-Yves Desgoutte « Les opérateurs ont vu leur lot de stocks « lancés techniquement » – ces lots qu’ils ne parvenaient pas à vendre – relativement mieux s’écouler du fait de ces opérations-là. Cela a donné un appel d’air. Des opérateurs ont pu s’en sortir et tenir.
Par contre, le marché Auvergne-Rhône-Alpes et spécifiquement le marché de la Métropole notamment, a été très impacté par les retraits d’opérations, preuve du manque de confiance des acteurs en l’avenir et de la réalité de leur trésorerie. Un promoteur qui n’a pas confiance préfère retirer son programme plutôt que d’acheter le terrain et de lancer la construction quand l’avenir n’est pas assez lisible et surtout quand les prix de vente ne trouvent plus leur marché. Cette opération peut sembler simple en apparence, mais chacun sait combien de travail perdu elle implique, combien de ressources financières sont engagées en vain, et le mauvais impact que cela a sur le moral des équipes.
Et ce que l’on peut dire, c’est que l’année 2024 a été marquée par une très, très forte défiance des opérateurs sur les programmes dont ils savaient qu’ils n’arriveraient pas à les écouler. Certes cela aura permis de ne pas accroitre inutilement les stocks, mais c’est une situation totalement inédite.
Voir un promoteur se retirer d’un foncier et abandonner un projet sur la métropole de Lyon, je n’avais jamais vu cela. »
ALCAIX : Nous en avions parlé avec Laurent Escobar l’an passé : l’attention du grand public est rivée sur le montant des taux d’emprunt. Quel est l’impact d’une éventuelle baisse des taux en cours ?
Pierre-Yves Desgoutte « La hausse des taux d’intérêt est arrivée de manière très forte et surtout soudaine en 2022. Elle a immédiatement impacté le pouvoir d’achat des clients. Résultat, les promoteurs ne sont plus arrivés à vendre leurs logements. On constate un arrêt des opérations et une chute des ventes. En 2024, le facteur politique a beaucoup joué. La dissolution de l’Assemblée a créé un effet de sidération auprès des acquéreurs et des investisseurs. Au-delà de la surprise, il faut dire que c’est arrivé à un mauvais moment, où les premières baisses de taux de la BCE commençaient à laisser de l’espoir à ces futurs acquéreurs. Nous assistons donc à un 2ème trimestre 2024 très mauvais. Les suivants n’ont pas permis de redresser la situation hélas… »
ALCAIX Quelles sont au contraire les manœuvres politiques pouvant donner de l’air au marché sur le plan national ?
« D’abord, l’extension du PTZ sur tout le territoire devrait transmettre aux acquéreurs du pouvoir d’achat et de la solvabilité potentielle pour les projets, même s’il existait déjà sous une forme plus restrictive en 2024. Nous en attendons les décrets d’application courant Mars 2025. Aussi, le fait de pouvoir faire une donation en exonération de droit dans la limite de 300 000 € par bénéficiaire pour acheter du logement neuf constituera un autre petit effet d’aubaine qui plait au monde de l’immobilier mais dont les effets seront forcément limités .
Est-ce que cela va révolutionner le paysage immobilier ? À titre personnel, je ne pense pas. C’est positif, mais la révolution ne sera pas là ».
ALCAIX : Pierre-Yves Desgoutte, nous avons parlé des volumes de ventes. Pouvons-nous parler de votre analyse des prix sur le marché national et régional ? retrouvez dans quelques jours la 2ème partie de cette 💡[QUESTION DE PERSPECTIVE]….
Qui est ADEQUATION
- 10 implantations en France
- 1100 clients actifs
- 85 collaborateurs
- + de 10,5 M. de logements neufs et anciens qualifiés sur la base de données.
ADEQUATION est depuis 1992 spécialiste des marchés fonciers et immobiliers en France. Ses clients sont les acteurs publics et privés du foncier, de l’immobilier, de l’aménagement et de la construction. Auprès d’eux, Adéquation accompagne le développement stratégique et opérationnel des projets au moyen de datas, de solutions digitales Saas, d’études de marché et de conseils éclairant la prise de décision.
Son leitmotiv « que l’économie des projets ne soit plus subie, mais qu’elle accompagne les transitions sociales et environnementales ».